Le Nouveau Baromètre de l’Investissement Logistique au Maroc

Dans un contexte mondial marqué par la fragmentation des chaînes d’approvisionnement et la recherche de nearshoring stratégique, le Maroc confirme son rôle de plateforme logistique euro-africaine incontournable. L’annonce par le Centre Régional d’Investissement (CRI) de Tanger-Tétouan-Al Hoceima (TTA) d’une approbation de 363 projets d’investissement totalisant 43,28 milliards de DH sur les neuf premiers mois de 2025 n’est pas un simple fait divers économique : c’est un signal puissant d’une montée en puissance des infrastructures industrielles et, par ricochet, de la chaîne d’approvisionnement marocaine. Ces chiffres, porteurs d’un potentiel de création de 46 000 emplois, traduisent une mutation profonde où la logistique est la colonne vertébrale de l’attractivité territoriale. L’enjeu est désormais de transformer cette manne financière en excellence opérationnelle.


L’Écosystème de Tanger Med : Vers le « Smart Port » et l’Optimisation des Flux de Conteneurs (TEU)

L’avantage technique majeur de cette vague d’investissements réside dans le renforcement de la symbiose entre les zones franches et le complexe portuaire de Tanger Med, le leader africain en capacité conteneurisée.

L’afflux de capitaux vers les secteurs industriels de la région (automobile, aéronautique, textile) génère mécaniquement une demande accrue en services logistiques de haute technicité. Ces investissements sont destinés, pour une part significative, à densifier les parcs industriels adjacents (Tanger Automotive City, Tétouan Shore) et à développer des installations de stockage et de cross-docking de nouvelle génération.

L’objectif est d’atteindre une intégration verticale maximale, où le temps de transit entre la production et la mise à quai est réduit au minimum, augmentant ainsi le rendement par TEU (Twenty-foot Equivalent Unit) traité. L’investissement massif permet d’accélérer la transition vers le concept de « Smart Port » : des systèmes de gestion des terminaux (TOS) basés sur l’intelligence artificielle pour l’optimisation des flux de véhicules (VMS) et la prédiction des pics de demande, garantissant une meilleure résilience opérationnelle face à la volatilité du marché.


Le Défi de la « Dernière Brique Logistique » et l’Impératif d’une Main-d’œuvre 4.0

Malgré l’ampleur des investissements en infrastructures physiques et digitales, le défi du marché réside dans la « dernière brique logistique » : l’adéquation entre le capital investi et le capital humain. La projection de 46 000 nouveaux emplois souligne une demande exponentielle en main-d’œuvre qualifiée.

Or, la Supply Chain 4.0, nourrie par l’automatisation des entrepôts, l’utilisation de véhicules autoguidés (AGV) et la gestion prédictive des stocks via le Machine Learning, exige des compétences pointues :

  • Gestionnaires de flux digitaux (spécialistes WMS/TMS).
  • Techniciens de maintenance pour les systèmes robotisés.
  • Analystes de données logistiques pour optimiser le routing et la planification du fret.

Le risque, si l’offre de formation ne suit pas, est de voir un goulot d’étranglement se former, où des infrastructures de classe mondiale (comme Tanger Med 2) seraient sous-exploitées par manque d’experts capables de piloter leur complexité. Pour les acteurs du secteur, c’est l’impératif stratégique d’investir massivement dans la formation continue et le partenariat avec les instituts techniques pour sécuriser l’expertise nécessaire à la gestion des hubs ultra-modernes.


Le Corridor Logistique Europe-Afrique : Une Rentabilité Accrue pour les 3PL et les Transitaires

L’opportunité commerciale pour les acteurs de la logistique, notamment les 3PL (Third-Party Logistics providers) et les transitaires, est immense. En consolidant le statut du Maroc comme hub industriel majeur, ces 43,28 milliards de DH ouvrent la voie à une rentabilité accrue par le développement de Services à Valeur Ajoutée (SVA).

Le modèle ne repose plus uniquement sur le transport et le stockage, mais sur la capacité à offrir des services complexes :

  • Reverse Logistics : Gestion des retours et du réusinage pour les industries européennes.
  • Kitting et Pré-assemblage : Préparation des composants avant expédition finale, réduisant les coûts de main-d’œuvre en Europe.
  • Logistique de la Chaîne du Froid : La diversification vers l’agro-industrie et la pharma exige des solutions de stockage à température contrôlée de pointe.

Cette dynamique renforce la position du Maroc en tant que porte d’entrée et de sortie pour les flux commerciaux euro-africains. Pour les entreprises de logistique Maroc, le positionnement stratégique ne fait plus débat ; l’enjeu concurrentiel se déplace vers l’agilité des solutions proposées et la performance des systèmes d’information.


Capitaliser sur le Momentum

L’approbation de 43,28 milliards de DH d’investissements en TTA est une étape décisive, officialisant la région comme la locomotive de l’économie marocaine et un pivot majeur de la logistique globale. Le Maroc a réussi à attirer le capital ; la prochaine phase critique sera celle de la consolidation de l’excellence opérationnelle.

Les défis futurs pour l’industrie logistique au Maroc s’articulent autour de deux axes :

  • Durabilité (Green Logistics) : L’intégration des impératifs environnementaux (décarbonation du transport, green warehousing) pour maintenir la compétitivité face aux normes européennes.
  • Harmonisation Régionale : Assurer que la performance de l’écosystème TTA irradie vers les autres régions (Casablanca-Settat, Dakhla), créant un réseau logistique national cohérent et performant.

La balle est désormais dans le camp des professionnels. En capitalisant sur ce momentum financier historique, ils doivent accélérer l’adoption des technologies de la Supply Chain 4.0 et investir dans l’expertise humaine pour que les ports et les hubs du Nord marocain continuent de dicter le tempo de la logistique en Méditerranée occidentale.