Ce qui avait débuté comme une bataille pour la ligne Tarifa – Tanger Ville s’est rapidement transformé en un affrontement stratégique à grande échelle entre deux géants du transport maritime : Balearia et DFDS. Et cette guerre est loin d’être terminée. Alors que DFDS finalise l’acquisition de la compagnie Naviera Armas pour un montant estimé à 300 millions d’euros, le paysage maritime du détroit est en pleine recomposition.
Retour sur le point de départ : Tarifa – Tanger Ville, le déclencheur
Au printemps 2025, DFDS (ex-FRS Iberia Maroc), opérateur historique de la liaison Tarifa – Tanger Ville, perd la concession au profit de Balearia. Ce dernier prend rapidement possession de la ligne avec deux catamarans rapides et l’ambition d’y introduire une flotte zéro émission à l’horizon 2027. Cette attribution, jugée précipitée par DFDS, a marqué le début d’une confrontation ouverte entre les deux compagnies.
DFDS contre-attaque : le rachat stratégique d’Armas
DFDS a rapidement riposté en entamant le processus de rachat de Naviera Armas, un autre acteur majeur du cabotage espagnol. L’opération, quasi finalisée, avoisine les 300 millions d’euros selon le quotidien espagnol El Confidencial. Cette acquisition permettra à DFDS de s’implanter sur de nouvelles lignes clés où Balearia est déjà bien ancrée : Nador – Almería, Melilla – Malaga, Ceuta – Algésiras, et surtout Tanger Med – Algésiras. Ce redéploiement stratégique repositionne DFDS comme un acteur de poids sur l’ensemble de la façade sud de l’Espagne.
AML, leader discret mais solide
Pendant que les deux armateurs européens s’affrontent, AML (Africa Morocco Link) consolide sa position sur le détroit. L’opérateur marocain opère cet été avec quatre navires sur la ligne Tanger Med – Algésiras, et deux fast ferries sur la ligne Tanger Ville – Tarifa, portant sa flotte estivale à six navires.
AML s’impose discrètement comme le premier opérateur sur le détroit de Gibraltar en nombre de navires et de rotations. Cette performance fait d’AML un acteur central de la mobilité maritime des Marocains Résidant à l’Étranger, en pleine période estivale.
Un maillage densifié et hautement concurrentiel
La rivalité entre DFDS et Balearia, renforcée par l’entrée en jeu de DFDS sur plusieurs lignes via Armas, redessine en profondeur la connectivité maritime entre l’Espagne et le Maroc. À terme, les lignes entre Nador, Tanger, Melilla, Ceuta et les ports d’Almería, Málaga, Algésiras, ou encore Tarifa, pourraient bénéficier de plus de fréquence, de diversité tarifaire et d’innovation technologique.
Pour les MRE, l’offre s’annonce plus compétitive. Pour le Maroc, la montée en puissance d’un acteur national comme AML dans ce jeu de puissances étrangères représente un signal fort, à la fois économique et symbolique.
Une bataille stratégique aux implications régionales
Cette guerre de positionnement entre Balearia et DFDS, désormais étendue à l’ensemble du détroit, dépasse le simple enjeu commercial. Elle traduit une lutte d’influence sur un corridor stratégique entre deux continents, au cœur des flux migratoires, économiques et touristiques.
Dans ce contexte, AML apparaît comme un pivot national, capable de défendre les intérêts marocains. Entre ambition européenne et ancrage local, le détroit de Gibraltar devient un véritable échiquier où chaque mouvement compte.