Un volume d’exportation record qui redistribue les cartes
Entre janvier et mai 2025, les exportations marocaines de fruits et légumes vers l’Espagne ont atteint 834 millions d’euros, selon la FEPEX, positionnant le Maroc comme le premier fournisseur devant la France (234 millions d’euros). Si la France conserve la première place pour les volumes avec 549 069 tonnes contre 322 810 tonnes pour le Maroc, c’est la valeur de l’offre marocaine qui exerce désormais l’attraction principale. En croissance de 30 % en valeur et de 26 % en volume, cette montée en gamme rebat les cartes de la compétitivité agricole marocaine.
Maroc vs France : quand la valeur prime sur le volume
Cette évolution est révélatrice d’une stratégie orientée vers la valeur ajoutée plutôt que la quantité pure : la supériorité du Maroc en termes de chiffre d’affaires traduit une montée en gamme, une meilleure organisation logistique (flux tendus, fraîcheur, traçabilité) et une différenciation perçue favorablement sur les étals espagnols. Le positionnement qualitatif du Royaume est désormais associé à la capacité à répondre aux exigences de régularité et de performance du marché européen.
Un avantage compétitif à consolider
L’incursion du Maroc sur la première marche des fournisseurs espagnols permet de renforcer son avantage comparatif dans le secteur agricole. Cette situation crée un élan favorable pour structurer des chaînes logistiques plus robustes, pour dynamiser les filières nationales comme l’avocat, la tomate ou le poivron, et pour monter en gamme avec des certifications qualité (GlobalGAP, IGP). Cependant, cette supériorité vient aussi avec des défis : maintenir les standards, améliorer la digitalisation du suivi logistique, et sécuriser les exportations sur fond de concurrence européenne accrue.
Opportunités, menaces et perspectives durables
Le Maroc dispose désormais d’une fenêtre d’opportunités pour renforcer ses capacités de logistique intégrée, développer des hubs spécialisés dans les zones agricoles et logistiques (Casablanca-Settat, Agadir, Souss-Massa), et bâtir une image de pays exportateur premium. À l’inverse, les contraintes résident dans la nécessité d’inciter les agriculteurs et PME à exporter sous label, d’accélérer la transformation numérique des chaînes d’approvisionnement, et de naviguer les tensions possibles sur les prix induites par les agriculteurs espagnols.
Le virage opéré par la filière marocaine de fruits et légumes sur le marché espagnol est un signal clair : le Royaume n’est plus seulement un pourvoyeur de volume, mais désormais un acteur stratégique doté d’une capacité remarquable à ajouter de la valeur. Pour durer dans cette position, il lui faudra consolider ses infrastructures logistiques, affiner ses capacités qualitatives, et anticiper les régulations et attentes du marché européen. L’enjeu est d’asseoir un leadership durable, capable de transformer cette performance conjoncturelle en ancrage structurant de sa souveraineté agro-exportatrice.