Un enjeu logistique stratégique au cœur des échanges euro-marocains

Dans un courrier daté du 15 mai 2025, le Groupe Inditex — leader mondial de la distribution textile, propriétaire de marques emblématiques telles que Zara, Massimo Dutti, Bershka ou encore Stradivarius — a adressé une requête formelle aux autorités portuaires et aux opérateurs maritimes du détroit de Gibraltar, soulignant les tensions croissantes que connaît actuellement la chaîne logistique reliant le Maroc à l’Espagne.

Avec quelque 21 000 camions acheminés entre les deux rives en 2024, soit une moyenne de 400 camions hebdomadaires, Inditex réaffirme le rôle fondamental du Maroc dans sa stratégie d’approvisionnement. Le royaume chérifien, par sa proximité géographique et sa montée en gamme industrielle, constitue aujourd’hui un partenaire clé pour répondre aux impératifs de réactivité du modèle économique d’Inditex, fondé sur des cycles de production courts et une adaptation rapide à la demande mondiale.

Or, la recrudescence des exportations marocaines depuis le début de l’année a engendré de sévères perturbations dans l’organisation du transport maritime. Les capacités des services Roll-on/Roll-off (RoRo) — essentiels pour le passage des camions — se retrouvent saturées les mercredis, vendredis et samedis, jours où l’essentiel des flux est concentré. Une congestion qui ralentit les rotations, accroît les coûts logistiques et menace la fluidité de l’ensemble de la chaîne.

Face à cette situation, Inditex formule une proposition concrète : le rétablissement de trois rotations quotidiennes les jeudis, dimanches et lundis, tel que cela se pratiquait antérieurement. Une telle mesure permettrait, selon le groupe galicien, d’absorber plus efficacement les pics de trafic, de désengorger les créneaux critiques et de garantir une continuité opérationnelle indispensable à l’ensemble des acteurs de la filière.

Cette requête intervient dans un contexte plus large de recentrage des approvisionnements vers des zones géographiquement proches. La montée en puissance du « nearshoring », notamment vers le bassin méditerranéen, s’est accentuée dans le sillage des perturbations post-pandémiques et des tensions géopolitiques affectant les chaînes longues. Le Maroc, fort de son réseau logistique en expansion et de sa compétitivité industrielle, apparaît désormais comme un pilier incontournable de cette dynamique.

Inditex, qui prévoit d’investir 1,8 milliard d’euros entre 2024 et 2025 pour renforcer ses infrastructures logistiques, dont trois nouveaux centres en Espagne, alerte ainsi sur la nécessité d’une coordination renforcée entre les opérateurs privés, les compagnies maritimes et les autorités publiques. L’objectif : préserver la compétitivité du corridor stratégique hispano-marocain, tout en assurant un service logistique fiable, agile et à la hauteur des exigences du commerce international contemporain.