Un secteur vital en perte de vitesse
Le Maroc, puissance commerciale ouverte sur l’Atlantique et la Méditerranée, ne dispose aujourd’hui que de 17 navires battant pavillon national. Une situation critique pour un pays dont 95 % des échanges extérieurs dépendent du transport maritime. Face à cette réalité préoccupante, une feuille de route est en gestation, portée par le ministère du Transport, pour réorganiser, moderniser et relancer un secteur considéré comme névralgique.
Une souveraineté logistique fragilisée
L’érosion progressive de la flotte nationale n’est pas sans conséquences. Le Maroc dépend fortement d’opérateurs étrangers pour acheminer ses marchandises et ses citoyens, ce qui limite sa capacité à maîtriser ses flux logistiques en période de crise. L’écosystème maritime local, affaibli, peine à s’organiser : manque de financement, fiscalité peu compétitive, absence d’incitations à l’investissement naval, et pénurie de compétences techniques.
Cette dépendance sape également la captation locale de valeur ajoutée, alors même que les ports marocains — notamment Tanger Med — figurent parmi les mieux classés au monde. L’infrastructure est prête, mais le contenu national manque.
Saisir l’opportunité d’un rebond industriel et stratégique
Le chantier de relance à venir est une occasion stratégique de repositionner le Maroc dans le transport maritime mondial. Une flotte modernisée et bien intégrée pourrait jouer un rôle majeur dans :
- la sécurisation des chaînes d’approvisionnement critiques,
- le développement d’un tissu industriel autour de la construction et de la maintenance navale,
- l’émergence de corridors maritimes durables, compatibles avec les normes européennes de décarbonation,
- et le déploiement logistique de projets stratégiques comme l’hydrogène vert, les fertilisants ou les produits agro-industriels.
Entre ambitions affirmées et risques systémiques
Cette relance ne pourra réussir sans un modèle de gouvernance clair, un accès ciblé au financement, et une politique de formation structurée. Le principal risque réside dans une approche superficielle, qui traiterait les symptômes sans attaquer les causes profondes : désintérêt des investisseurs, manque de coordination entre les acteurs, lenteur réglementaire.
Autre point critique : la transition énergétique mondiale des flottes maritimes. Alors que les normes IMO se durcissent, le Maroc doit s’assurer que ses futurs navires s’inscrivent dans une logique low-carbon shipping, sans quoi il risquerait de se retrouver à nouveau en décalage d’ici 10 ans.
reconquérir les mers pour renforcer la résilience économique
Le recul de la flotte marocaine n’est pas une fatalité, mais un signal d’alarme. À travers une feuille de route cohérente et ambitieuse, le Royaume peut réintégrer la mer comme levier de souveraineté économique, d’emploi qualifié et de compétitivité logistique.
Pour les professionnels du secteur, c’est le moment d’anticiper les réformes, d’explorer de nouveaux modèles partenariaux (PPP, joint-ventures maritimes) et de miser sur des solutions innovantes et durables. L’heure est venue de penser le transport maritime marocain non plus comme un maillon périphérique, mais comme un socle stratégique de sa chaîne de valeur globale.